RCHIVES
Randonnée
autour des quatre Anapurna
Date
L’Association avait invité ce jour Christian Taque pour
nous commenter les photos prises au cours d’une grande classique de la
randonnée au nom combien prestigieux
Christian Taque est ancien
enseignant à la faculté de Médecine de Clermont et familier de la randonnée de
compétition dans l’Everest
Pour ceux de ma génération, ce mot symbolise
toute l’ouverture sur un avenir, celle d’une étape franchie dans la conquête de
la planète par l’homme : pour la première fois, la barre des 8000 était
estompée, et par une expédition française qui plus est. Mais qui sait qu’il a
été pendant des temps immémoriaux et continuera d’être pour la population
autochtone le nom de la divinité des récoltes qui apporte la vie, si ce n’est
la richesse ? Un demi-siècle s’est écoulé, la vieille roue du temps a vu
tourner quelques rayons, laissant sa sagesse se substituer d’autant de fois à
elle-même. Les enthousiasmes ont changé d’aspect, mais les enthousiastes sont
restés les mêmes. C’est ainsi que Christian Taque a connu les Annapurna, c’est
ainsi qu’il nous a fait partager par delà ses souvenirs, quelques uns de ses
rêves.
Les Annapurna, car
le massif et ses mythes associent à un nom au moins quatre sommets, chacun
rivalisant de majesté avec son voisin. Voilà un beau thème pour organiser une
course où l’entraînement et la technique s’associent au merveilleux.. N’est pas
coureur qui veut, surtout quand à la longueur des étapes et à l’accumulation
des dénivelés s’ajoute une déficience majeure en oxygène. Et parfois, s’ajoute
artificiellement en fin d’étape une dernière montée, tant il est fondamental
pour les organismes que l’étape s’achève par une descente. En dépit du soin de
la préparation physiologique, certains s’effondreront… Mais si, sur la
cinquantaine de volontaires de la liste d’engagement, une dizaine affiche un
statut proche du professionnalisme, les autres ont fait ce voyage dans le but
de communier avec un paysage inoubliable. Christian Taque était de ceux-là, qui
avait ajouté à son sac de course et à l’indispensable survie un appareil photo
des plus légers, pour partager ensuite ses souvenirs.
Une petite focale n’est
pas l’idéal pour les grands panoramas, mais s’avère très utile pour fixer la
vie au jour le jour. Et cela tient l’auditoire en haleine tout autant que le
résumé de la course. Tout d’abord il a révisé au cours des quelques jours
d’adaptation à l’altitude passés dans une ambiance citadine les clichés et
couleurs qu’il était en droit d’attendre d’une petite ville provinciale des
Indes victoriennes. Mais ensuite, tout au long du parcours, il a découvert une
vérité insoupçonnée et estompée : ces hautes vallées sont l’affiche du
théâtre d’une vie économique peut-être plus fruste, mais néanmoins intense, et
ce chemin trop étroit, au balisage inexistant, mal répertorié sur les cartes, à
l’empierrement souvent fruste, est un cordon ombilical qui assure par portage,
toujours à dos d’homme, les indispensables échanges entre populations.
Ainsi verrons nous un
monde tourmenté et ses indispensables propres règles : l’unité sans faille
d’un village autour de l’indispensable reconstruction de ce cordon emporté par
un éboulement sur quelques centaines de mètres ; ces lodges, dont
le nom pompeux cache un gîte des plus sommaires, mais qui assure au voyageur le strict nécessaire, et
parfois un peu plus : le luxe suprême d’un peu d’eau chaude ; ce
charpentier portant une solive sur ses épaules pendant des kilomètres ;
ces moulins à prière indispensables à l’accueil de l’étranger dans un
village ; ces enfants franchissant un torrent sur un pont de cordage
vertigineux pour se rendre à leur collège.
Et quand, la dernière passe franchie, on voit s’étaler sur l’écran une grande vallée paisible et que le chemin n’est plus qu’une large courbe ondulante et damée, on s’étonne d’un retour vers notre quiétude européenne.