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Les Confiseurs clermontois dans la Grande Guerre
Le 30
mai 2017, notre camarade Hélène MARTIN, présidente
de l’association Puy Confit® nous a présenté les
résultats d’une de ses recherches relatives à son
domaine d’action : le patrimoine des Confiseurs clermontois qui
contribuèrent au développement économique et au rayonnement
international de l’Auvergne. Pour cette conférence, elle
s’est attachée à nous présenter la carrière
militaire des confiseurs clermontois durant le conflit ainsi que l’organisation
mise en place durant leur absence.
Voici le résumé de son intervention.
La confiserie se pratique en Auvergne depuis le XVème
siècle, pour la fabrication de pâtes de fruits, fruits confits,
confitures et autres douceurs. A la veille du conflit, elle occupe 800 personnes
à Clermont, sur une population de 56 000 habitants, avec un chiffre d’affaire
de 4 millions de francs, dont la moitié à l’exportation,
à côté des entreprises du caoutchouc, de la meunerie ou
de la sucrerie Bourdon. Or les confiseurs clermontois ont bien pris leur part
du conflit et des difficultés engendrées sans pour autant connaître
l’hécatombe.
1914
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Depuis la défaite de 1871, la France orpheline de son
« Alsace-Lorraine » se conditionne moralement et militairement
pour récupérer son bien, « la fleur au fusil »,
comme le montrent les ouvrages d’Emile Lavisse, outils d’une
éducation patriotique faite par les « hussards noirs de
la République », conformément aux programmes du
27 juillet 1882. |
A cette fin patriotique, la loi Berteaux de 1905 réorganise le service
militaire en supprimant le tirage au sort, les remplacements et exemptions
avant que la loi Barthou de 1913 le prolonge à deux ou trois ans.
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A cette époque quatorze structures assurent une production recherchée
de pâtes de fruits, fruits confits, confitures et gelées, pastilles
et dragées, bonbons et sucre d’orge, chocolats et pralines.
Elles se sont regroupées, sous la présidence de Paul Auger,
dans une chambre syndicale. Et toutes sont installées dans le centre
de la ville. |
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Les confiseurs au front
Considérons les principales maisons de Clermont :
La Maison
Vieillard est dignement représentée par le brigadier
puis maréchal des logis Léon
Pierre Alphonse Mazet (1878-1966), confiseur de Blois et époux
de Jeanne Vieillard ; il combat du 6 août 1914 au 15 avril 1918 avant
de passer au service auxiliaire pour mauvaise santé et d’être
démobilisé le 15 février 1919. Pendant ce temps, son
beau-père, le patriarche Auguste Nicolas Vieillard (1853-1924), dirige
l’entreprise. |
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En 1914, la Maison Auger-Sorrel,
a rejoint la groupe Rouzaud qui gère l’activité de la
Confiserie Générale du Centre. Paul
Auger, vélocipédiste à l’état-major
de la 132e brigade pendant son service militaire, se retrouve caporal en
novembre 1914 puis sursitaire en tant que consul de Belgique, tandis que
son frère Edouard (1872-1946), également en sursis mais pour
raison médicale, reçoit son ordre de mobilisation le 14 mars
1916 pour les services auxiliaires du ministère de la guerre. |
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Georges Rouzaud
(1889-1944), l’unique fils de Clémentine Bouchet et d’Auguste
Rouzaud, les fondateurs et dirigeants de la fameuse enseigne La
Marquise de Sévigné, est mobilisé le 3 août
1914 avant une affectation au service automobile en 1915 et une nomination
au grade de capitaine le 1er janvier 1917. Blessé le 27 novembre
1914, cinq fois cité à l’ordre de son régiment
et croix de guerre, il devient chevalier de la Légion d’honneur
en 1920 pour sa bravoure durant ses cinq ans de campagne contre l’ennemi
(20 août 1914 – 4 août 1919). |
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Parmi les prisonniers, on relève le nom du sergent Pierre
Prunière (1890-1956), d’une
famille de grands confiseurs, et membre de la
Maison Gaillard : il fut pris le 1er août 1916 au bois Firmin,
dans la bataille de Verdun, et, interné en Bavière, il ne
sera rapatrié que le 21 janvier 1919. |
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Majoritaire dans la
SA Vallon de la Villette et A. Prunière, créée
en 1913, la famille Lajonchère voit son fils Louis
Lajonchère (1899 – 1969), incorporé le 18 avril
1918 dans les chasseurs alpins et promu caporal une quinzaine de jours avant
de retrouver la vie civile (23 octobre 1919). |
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Antoine Lagaye, de la Maison
Cromarias, trop âgé pour être mobilisé, a
un gendre athlétique de 1,80 m, Paul
Pochet (1885 – 1945), qui, blessé aux talons dès
septembre 1914 en Argonne par éclats d’obus, souffre aussi
de problèmes respiratoires et rentre le 8 mars 1919. |
Deux maisons aux destins croisés : Cromarias et
Humbert
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Honoré
Humbert (1887-1932), de la maison
du même nom, lui aussi mobilisé et atteint de troubles
pulmonaires, est réformé par la commission spéciale
de Riom le 11 février 1915, après six mois de campagne. Le
2 avril 1914, juste avant le conflit, il avait déposé la marque
le Petit Français, aux couleurs tricolores. |
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Seul Noël Cruzilles
(1887-1936), de la Maison Porte qui deviendra Société
Noël Cruzilles en 1930, fut réformé en 1914, après
deux semaines de campagne. |
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Les entreprises et la guerre
Les confiseurs mobilisés ont tous survécu à la guerre,
mais leurs entreprises, fragilisées par leur absence, ont connu beaucoup
de difficultés.
Il y a d’abord la pénurie de sucre chez Bourdon, car la distillerie
est prioritaire et les exportations vers l’Allemagne disparaissent évidemment
; les curistes, grands clients d’ordinaire, sont beaucoup moins nombreux;
et, surtout, la réquisition des moyens de transports pour l’armée
fait que les fruits n’arrivent plus et que les produits manufacturés
ne sont pas expédiés. Des reconversions s’imposent donc:
la Maison Humbert, grâce au sucre fourni par l’intendance militaire,
se lance dans la marmelade tous fruits pour les soldats, et la ferblanterie
pour en assurer le conditionnement.
Il faut aussi gérer les comités de secours aux familles des salariés
mobilisés, tandis que les femmes remplacent les hommes absents.
Il faut surtout faire de la « réclame »
pour toutes les productions et le plus dynamique dans ce domaine est Auguste
Rouzaud, de la Marquise de Sévigné : on voit se multiplier les
rubans et décors bleu-blanc-rouge, avec drapeaux, personnages en costume
alsacien, effigies militaires pour les emballages et faïences à
sujets patriotiques.
catalogues 1914 à 1916 (à g.) - pages centrales
du catalogue 1916 (à dr.)
Conclusion
Les confiseurs ont fait leur devoir, puis repris leur métier.
Après la guerre on dénombre une douzaine d’entreprises qui
évolueront à partir de 1920 :
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Berthier |
50 rue des Gras (usine Avenue de Boisséjour = Faydit-Fradit,
Rue Neuve Salins) |
Coquery, Cruzilles et Eché |
Boulevard Pasteur |
Humbert Honoré |
61 Boulevard Gergovia |
Maison Cromarias, Pochet-Lagaye succ |
Rue Morel-Ladeuil |
Pougheon |
1 rue Ancien Poids de Ville |
Valéry-Marcheix |
95 Boulevard Gergovia |
Vallon de La Villette et A.Prunière |
80 Rue Lamartine |
Prunière Noël |
41 Avenue des Etats-Unis |
Ets L. Aubert (anc. Rousselle) |
70 Rue Lamartine |
Rouzaud |
28 Rue du 11 Novembre |
SA Ets Rouzaud (P.Auger) |
25 Avenue Charras |
Vieillard |
10 Avenue des Etats-Unis et 31 Rue Pascal |
Toutes les illustrations nous ont été prêtées par
de généreux collectionneurs privés.
(Conférence prononcée le 30 mai 2017)
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