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Le Conseil Constitutionnel




par Michel Charasse, membre du Conseil Constitutionnel et Ancien Elève du Lycée




Conférence prononcée le 26 octobre 2012




    Le Conseil Constitutionnel est une institution jeune, puisqu'il fut créé en 1958 et installé en 1959. Il a une place essentielle dans le dispositif instauré par le Général De Gaulle. Les régimes parlementaires des IIIème et IVème Républiques avaient abouti à un régime d'assemblée; or en 1958, il s'agit de refaire un véritable régime parlementaire avec une stricte séparation des pouvoirs; il faut donc surveiller le respect des règles: ce sera le rôle du Conseil Constitutionnel (son origine est dans les travaux du Comité Consultatif Constitutionnel), selon la formule du 27 août 1958:

« subordonner la loi à la règle édictée par la constitution ».

Ce n'est pas un gouvernement des juges, le Conseil ne peut s'autosaisir.

    Il est formé de neuf membres nommés pour neuf ans, trois tous les trois ans:

    Ils prêtent serment, sont soumis à une stricte obligation de réserve et ne peuvent ni exercer une fonction publique, ni un travail contraire à la déontologie. La fonction est aussi incompatible avec tous les mandats électifs nationaux et locaux. Siègent en outre des membres de droit : les anciens Présidents de la République.

    Depuis 2008 les commissions parlementaires compétentes peuvent opposer un veto à la nomination d'un conseiller, et le Conseil peut être saisi de questions prioritaires de constitutionnalité. On peut signaler que le Président Valéry Giscard d'Estaing ne participe pas aux contentieux des élections présidentielles et parlementaires, et que le Président Nicolas Sarkozy est obligé de se «déporter » sur les questions concernant les lois qu'il a préparées et signées entre 2002 et 2012.




Les locaux du Conseil Constitutionnel et ses moyens:

    Il siège au Palais-Royal, dans le pavillon Montpensier. Il est entièrement maître de sa petite administration, 70 personnes au total, il est donc peu coûteux. Il dispose d'un secrétaire général, d'un gros service de documentation, d'un service juridique assez léger de trois personnes - les dossiers sont dépouillés par des doctorants de droit issus de toutes les facultés pour des vacations de trois ou quatre mois - et de quelques rapporteurs adjoints pour le contentieux électoral - quatre venus du Conseil d'Etat, quatre de la Cour des Comptes -; il n'y a aucun collaborateur individuel, mais une secrétaire, un chauffeur et une voiture pour deux conseillers.




La mission électorale:

    Pour l'élection présidentielle, le Conseil Constitutionnel assure la sélection des candidats, le contrôle de l'élection et la proclamation des résultats. On lui présente les contentieux pour l'élection des députés et des sénateurs (en 2012, environ 102 requêtes, et 30 à 35 restent soumises à examen). Les mêmes contrôles existent pour un référendum, pour le problème des incompatibilités parlementaires, pour statuer sur la déchéance d'un parlementaire.

    C'est aussi le Conseil qui constate la vacance de la présidence de la République ou l'empêchement du Président.




Les missions juridiques:

    Le Conseil vérifie obligatoirement que les règlements des assemblées parlementaires sont conformes à la constitution et veille au respect des lois organiques qui doivent, elles aussi, s'y conformer. Pour les lois ordinaires, il peut, après leur vote et avant leur promulgation, se prononcer sur leur conformité à la constitution, s'il est saisi par le Président de la République ou de l'Assemblée, ou du Sénat, ou par le Premier Ministre ou, depuis 1974, par un groupe de soixante députés ou de soixante sénateurs. On peut se référer à l'exemple de la ratification des traités européens, puisque le Conseil Constitutionnel peut être amené à stipuler que la ratification d'un traité nécessite au préalable une révision de la constitution. Le délai de réponse est d'un mois.

    On est aussi revenu sur l'exemple des débats intervenus en 1960, quand la FNSEA demanda aux députés une augmentation des prix agricoles et pour ce faire une session extraordinaire de l'Assemblée, ce que De Gaulle refusa.

    L'article 34 de la constitution énumère les domaines dans lesquels la loi soit fixe les règles, soit détermine les principes fondamentaux: tous les domaines non évoqués dans cet article relèvent du pouvoir réglementaire. Ceci amène le Conseil à contrôler la procédure des ordonnances, ou l'application de l'article 40, qui, à propos des dépenses, traite du principe de l'irrecevabilité financière, si un amendement risque de diminuer les recettes publiques ou d'augmenter les dépenses.




Les principes fondamentaux:

    Un exemple permet d'illustrer le problème. L'Alsace-Lorraine est sous un régime de droit local et pas seulement pour les rapports entre l'église et l'Etat, avec le concordat entre le Pape et Napoléon Ier. En 1924, après de fermes discussions (la séparation des églises et de l'Etat était intervenue dans l'intervalle), ce statut particulier de tout le droit local fut confirmé; deux fois le législateur l'a reconnu mais à titre provisoire; il peut donc être modifié, sans modifier la constitution. Mais c'est un principe fondamental reconnu par les lois de la République.




La question prioritaire de constitutionalité:

    Elle fut créée lors de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 ; elle est soulevée devant un tribunal par un justiciable qui s'estime victime d'une atteinte aux droits et libertés garantis par la constitution de 1958 et les textes auxquels son préambule renvoie (la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, le préambule de la constitution de 1946); si le tribunal l'accepte, il peut saisir le Conseil d'Etat ou la Cour de Cassation, qui donneront ou non leur accord pour la saisine du Conseil Constitutionnel; le délai de réponse est de trois mois depuis le jour où le Conseil Constitutionnel est saisi. Sa décision n'est susceptible d'aucun recours et s'impose aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.


En conclusion, on peut remarquer que le Conseil Constitutionnel s'en tient strictement à ses compétences : il ne donne pas d'avis sur le fond. Ce n'est donc pas un gouvernement des juges, pas une cours suprême et il respecte strictement la compétence et le droit d'appréciation du Parlement.

 

Conférence prononcée le 26 octobre 2012
Notes et rédaction de D. F.





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