RCHIVES
Mémoire du lycée
ou
Si Blaise nous était conté.
par Patrice CORRE, ancien proviseur des Lycée Henri IV et Blaise Pascal
Le Lycée Blaise Pascal de Clermont-Ferrand, une histoire de plus de deux siècles
Le grand et premier lycée de Clermont-Ferrand a ouvert ses portes en 1808. Successivement Lycée impérial, Collège Royal, puis à nouveau Lycée, c’est au tout début de la IIIème République qu’il a pris le nom d’un des plus célèbres Auvergnats, Blaise Pascal.
Son histoire ressemble beaucoup à celle de tous les lycées créés au début du XIXème siècle. Elle n’en constitue pas moins une part de l’histoire de l’Auvergne et plus encore de Clermont et des Clermontois pour lesquels il est devenu familièrement Blaise.
Le Collège Royal de Clermont, qui avait gardé une bonne renommée malgré le départ des Jésuites, fut fermé en 1790. Et comme partout en France, l’Ecole Centrale qui lui fut substituée en 1796 n’eut pas de succès et fut supprimée en 1804. |
Durant plus d’un siècle, l’établissement clermontois connaîtra certes des changements, mais sans grande rupture, de manière progressive, en fonction des réformes successives de l’enseignement secondaire et de quelques initiatives locales. A la veille de la seconde Guerre mondiale, s’il ressemblait encore beaucoup à ce qu’il était à ses débuts, Blaise était devenu le grand lycée d’Auvergne.
En 1815, de lycée Impérial, il fut ravalé au rang de Collège Royal. En 1848, il redevint lycée. Mais ce n’est qu’en 1871, le14 Juillet, qu’il fut baptisé Lycée Blaise Pascal par un décret du gouvernement d’Adolphe Thiers. Ironie de l’histoire, la vieille maison des Pères Jésuites reçut ainsi le nom d’un de leurs plus farouches ennemis !
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De ces conditions matérielles peu reluisantes et contraires à la présentation flatteuse faite dans les différentes brochures éditées par la Direction, professeurs et élèves en avaient bien conscience et n’hésitaient pas à en parler librement.
Sous la pression croissante des effectifs, un nouveau bâtiment put accueillir en 1882, le Petit Lycée avec tout le confort moderne, sur un terrain aujourd’hui englobé dans le Lycée Jeanne d’Arc. Des améliorations non négligeables furent apportées dans la vieille bâtisse. Mais l’hypothèse de construire un nouvel établissement, envisagée en 1903, n’aboutira qu’en 1960 !
Si, pendant des décennies les effectifs restèrent très en dessous de ceux du collège des Jésuites, ils fluctuèrent au gré des changements de régimes politiques, de l’évolution des prix de pension, de l’évolution de la concurrence ou de l’efficacité des proviseurs. Le nombre d’élèves se fixa entre 550 et 700 jusqu’au début des années 1930, date à partir de laquelle s’amorça une forte croissance, grâce à la gratuité des études secondaires. Dans le même temps, Blaise s’était imposé comme le plus grand lycée d’Auvergne, par sa taille et, plus encore, par la notoriété de ses classes de préparation aux concours des grandes écoles.
Les acteurs du lycée : un monde d’hommes très hiérarchisé.
Comme tous les lycées, le lycée Blaise Pascal constituait une petite société très hiérarchisée, placée sous la haute autorité du proviseur. |
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Les élèves : un monde de garçons:
Comme tous les lycées, Blaise Pascal est demeuré très longtemps un établissement de garçons. Ce n’est que dans l’entre-deux guerres qu’il commença à s’ouvrir à la mixité, de manière très marginale, et seulement au sein de ses classes préparatoires aux grandes écoles. |
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La vie quotidienne d’un lycée ordinaire:
Comme dans tous les lycées, les règles de vie se sont assouplies, bien que restant rudes, surtout pour les internes. Au quotidien, la gestion n’était pas simple et le proviseur devait pouvoir faire face à tous les imprévus, comme lors de l’épidémie de typhoïde de 1887 qui entraîna la fermeture temporaire (deux mois) de l’établissement, ou pendant le temps de la Première Guerre mondiale. |
Un dortoir Un réfectoire | |||
L’enseignement : tradition et évolution:
En matière d’enseignement, l’histoire du Lycée Blaise Pascal n’a rien eu d’original. A noter que si la tradition l’a largement emporté sur l’innovation, le souci de l’excellence fut permanent. |
Plus conforme à la logique même de l’enseignement dispensé au sein du Lycée a été la création de classes préparatoires aux concours d’entrée dans les Grandes Ecoles, sur le modèle de celles des lycées parisiens. |
L’afflux des réfugiés et la transplantation d’un certain nombre de classes préparatoires parisiennes ou alsaciennes provoqua un gonflement considérable des effectifs dès 1940. Parmi les nombreux élèves que Blaise accueillit pendant l’Occupation : Jean d’Ormesson et Claude Lanzmann. Au rang des élèves de cette période et de l’immédiat après-guerre : d’autres futures grandes personnalités telles que Valéry Giscard d’Estaing, François Michelin, Jacques Delors ou Georges Besse.
Le Proviseur eut bien du mal à trouver de la place pour tous les élèves de l’établissement, d’autant que le Petit Lycée était réquisitionné.
La Khâgne de Blaise fit une fracassante entrée dans les palmarès, bénéficiant du renfort d’un bon groupe d’étudiants et de professeurs des grands lycées parisiens, lyonnais et alsaciens. La Taupe déjà renommée grâce au professeur Sanselme, gagna en notoriété. Dans le même temps nombre d’élèves s’engagèrent dans la Résistance.
Discuté dès le début du siècle, le projet de construction d’un nouveau lycée ne pouvait plus être repoussé lorsque, au début des années 1950, se firent plus pressants les effets conjugués de la forte croissance démographique et de la démocratisation de l’accès à l’enseignement secondaire. Financé par l’Etat et la ville, le chantier, ouvert en 1954, s’acheva en 1960, sur l’espace libéré par la caserne Gribeauval. Droit, clair et aéré, le nouveau lycée fut conçu de manière très fonctionnelle avec, autour d’une grande cour, des bâtiments très « modernes », distribués en fonction des différents types d’enseignement ou d’activités. Une cité idéale selon les conceptions de l’époque mais dont on peut regretter que l’esthétique ne fût jamais à la hauteur du Prix de Rome dont s’honora son concepteur, l’architecte Noël. Cependant, au tournant des années 1980, l’ensemble immobilier, dont l’Etat finançait de manière trop parcimonieuse l’entretien, s’est très vite révélé mal adapté à la croissance des effectifs et aux nouvelles formes d’organisation pédagogique.
Si le Petit Lycée a été abandonné par les potaches dès Pâques 1956, le Grand ne le sera qu'en 1960; l'inauguration officielle aura lieu en 1962, dand le cadre des journées du Tricentenaire de la naissance de Blaise Parcal. |
A l’initiative de la Région, une première phase de rénovation et de restructuration des locaux a été lancée sous la direction des architectes Fabre et Speller. Mais l’ensemble du projet n’a pas été poursuivi car, entre-temps, de nouvelles normes et de nouveaux besoins ont dû être pris en considération. Tout cela ne suffisant pas, il est apparu nécessaire, dès 1997-98, de conduire une réflexion globale pour une restructuration plus rationnelle de la cité scolaire. Après plusieurs années d’atermoiement, les travaux ont enfin été lancés en 2019 ! plus de 20 ans après qu’ils ont été envisagés !
Après le temps des mutations lentes, les années qui ont suivi la 2ème Guerre mondiale, ont été marquées par un enchaînement ininterrompu de réformes, de restructurations et de rénovations. |
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Pour les élèves, elle est restée limitée aux CPGE jusqu’à sa généralisation en 1977/78. Avec un temps d’avance sur le Lycée Jeanne d’Arc placé sous la férule vigilante de Mlle Berthet, sa directrice. |
De par leur situation (Jeanne et ses demoiselles trottoir Nord, Blaise et ses trublions trottoir Sud, entre les deux une avenue stratégique pour la circulation) les heures de rentrée posaient problème. |
La composition des personnels a suivi la même évolution. En 1967, on ne comptait encore que 22 femmes professeurs et 10 femmes dans les secrétariats. Elles sont aujourd’hui largement majoritaires. Et, depuis 1999, sur les quatre proviseurs qui se sont succédé on compte trois femmes.
Héritier d’un passé long et prestigieux, il a gardé tous les attributs de son rang de « grand lycée » : sa situation au chef- lieu de son académie, sa taille, ses résultats qui font depuis longtemps sa notoriété, et bien sûr ses classes préparatoires aux grandes écoles. En bon rang parmi les grands lycées français, il est un des lycées phares de l’académie de Clermont. Il brille par ses résultats et fait partie des lycées qui envoient le plus d’élèves dans les filières d’excellence les plus sélectives de l’enseignement supérieur. Chaque année, plus de deux cents de ses élèves intègrent des grandes écoles. Chaque année il est présent au Concours Général et dans bien d’autres challenges. Même en sport, il a apporté une contribution de premier ordre : Prix National de l’Education, des dizaines d’athlètes devenus internationaux, de nombreux titres régionaux nationaux et internationaux.
L’histoire d’un grand établissement comme le Lycée Blaise Pascal, c’est finalement remettre en lumière quelques pages de l’histoire de toute une région.
Constituant une part de nos racines, revivifiée sans cesse par de nouvelles générations d’élèves et de maîtres, c’est d’avenir qu’une telle institution est toujours porteuse ; un avenir conjuguant harmonieusement modernité et tradition d’excellence.
Sources :
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(Conférence proncée le 16 octobre 2020 lors du 99ème congrès de l'Union des A)